Cet accouchement qui me frustre

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OuistiTwo aura 3 mois dans quelques jours, et cela fait autant de temps que je me traîne un spleen qui va et vient en fonction des jours.

Je l’ai capté au petit matin, juste après sa naissance, alors qu’il était dans son berceau et moi dans mon lit.

J’ai pensé « tiens, cette fois, le baby blues ne va pas m’oublier« . J’ai alors pris mon bébé contre moi, et j’ai chassé cette drôle de sensation en le câlinant.

Mais depuis, je la sens me serrer le cœur régulièrement. Cela a été encore plus compliqué quand le reflux s’est pointé, et que OuistiTwo ne s’apaisait pas avec moi.

Depuis sa naissance, j’ai (à tort ou à raison) tendance à comparer ce que je suis en train de vivre avec lui, et ce que j’ai vécu avec son grand frère.

Je sais que chaque bébé est différent et que c’est juste normal de vivre des choses différentes avec chacun d’eux. Néanmoins, ça m’a permis de vite pointer du doigt ce qui me perturbait tant.

Médicalement parlant, mon accouchement s’est bien passé.

J’ai fissuré la poche des eaux le matin. Le travail a été plus que gérable tout au long de la journée : juste des douleurs de règles, rien de plus que je contrôlais avec la respiration. Tout s’est accéléré en début de soirée, mais j’étais bien épaulée par PapaDeOuistiti.

Comme j’étais à la maternité depuis le début de matinée, j’ai eu des monitos tout au long de la journée.

Mais déjà là, une phrase, qui revenait à chaque passage de la sage femme, me grignotait le moral : « si il ne se passe rien d’ici demain matin, on vous déclenchera« 

Je restais confiante car pour mon premier accouchement la dilatation avait pris son temps pour passer de 1 à 4, et n’avait pris que quelques minutes pour passer de 4 à 9. Sauf qu’à force de l’entendre et de voir que les contractions restaient timides, ça finissait par me miner.

Et puis, les choses se sont enclenchées comme pour Ouistiti : après le monito de début de soirée, je suis restée en salle de naissance et quand j’ai enfin atteint le 4 de dilatation, j’ai pu avoir la péri. Je n’avais aucune appréhension car tout s’était très bien passé pour Ouistiti, sans douleur au moment de la pause. En plus, là, l’anesthésiste était sympa.

Mais j’ai vite déchanté… Il a dû s’y reprendre à plusieurs fois pour me piquer. Il m’a fait mal à chaque fois (à tel point que je pensais que j’allais avoir une brèche).

Tout ça, pour qu’une fois posée, la peri ne marche pas. Les contractions continuaient de me faire hyper mal et les minutes défilaient sans que je ne sente une quelconque atténuation (j’en suis arrivée à regretter la péri de Ouistiti qui n’était passée que d’un côté au début).

L’anesthésiste a donc fait passer une nouvelle dose. Et c’est à partir de là que mon accouchement m’a échappé…

Nous ne savons pas à quoi cela correspond mais, après la deuxième dose, PapaDeOuistiti a remarqué qu’un chiffre sur l’écran de contrôle était passé de 9 à 14.

Je me suis très vite sentie mal. J’ai juste eu le temps de le dire à PapaDeOuistiti qui a prévenu la sage femme : elle m’a injecté « je ne sais plus quoi » pour faire remonter ma tension.

Elle m’a ensuite examinée, mais la tête de OuistiTwo se présentait mal. Je me suis mise sur le côté, une jambe relevée pour l’aider à se mettre dans l’axe. Juste après, j’ai senti que OuistiTwo s’était engagé.

Mais ça restera la seule sensation que j’ai eue…

Quand j’ai dit à la sage femme que j’avais senti une poussée, elle m’a auscultée et a confirmé ce que je savais déja : il était temps de s’installer pour pousser.

Elle a placé l’arceau au dessus de moi et m’a dit d’y mettre mes jambes. Sauf que je n’ai pas pu : je ne sentais absolument plus rien.

J’ai surélevé chacune de mes jambes avec mes mains, pour les mettre sur l’arceau.

N’ayant aucune sensation, ma première poussée n’a servi à rien. La sage femme m’a alors dit de pousser sur sa main. Je ne demandais qu’à lui faire plaisir, mais je ne la captais pas cette main…

Je suis alors repartie dans mes souvenirs pour reproduire ce que j’avais fait lors de mon premier accouchement. Et j’y ai mis toute la gomme quand, avant la 3eme poussée, elle m’a dit que si il ne sortait pas, elle appellerait le médecin.

En deux secondes, j’ai pensé médecin, forceps, ventouses… Hors de question ! J’ai au moins géré d’avoir réussi à lui éviter tout ça, puisque la poussée a été efficace.

OuistiTwo avait le cordon très serré autour du cou : Je n’ai donc pas pu le faire sortir, et son papa n’a pas pu couper le cordon.

Après l’en avoir débarrassé, la sage femme m’a posé OuistiTwo quelques secondes sur moi, le temps de l’entendre crier, avant de l’emmener pour qu’il soit aspiré.

Quand j’y repense maintenant, j’ai l’impression d’avoir été prise dans un tourbillon sur lequel je n’avais aucune emprise.

C’est comme si mon bébé n’était pas sorti de moi, qu’on me l’avait posé sur moi après que la sage femme l’ait pris dans une boite.

L‘image est dure, et j’ai le cœur serré rien qu’en l’écrivant. Mais c’est ce que je continue de ressentir sur ce moment : ce premier souvenir entre mon bébé et moi, cette première rencontre qui a été gâchée par un professionnel qui n’avait sûrement pas envie de rester trop longtemps en salle de naissance, pendant son astreinte de nuit…

J’aurais pu rattraper ce « loupé » avec le peau à peau pendant deux heures en salle de naissance. Mais ça non plus, nous ne l’avons pas eu…

Lorsqu’on m’a rendu OuistiTwo, après qu’il ait été aspiré, il était langé. Moi j’étais en plein jet lag et je n’ai pas réagi quand on me l’a mis au sein, sans le découvrir.

La tétée de bienvenue a duré à peine quelques minutes, et on me l’a repris pour aller l’habiller.

Pendant ce temps, la sage femme m’a fait m’installer sur un fauteuil à roulettes alors que je ne sentais toujours pas mes jambes… Puis j’ai rejoint PapaDeOuistiti qui était en train d’habiller notre bébé.

Après quoi, on nous a ramené dans notre chambre

On n’a donc pas eu de peau à peau. Je n’ai pas été sous surveillance pendant 2h, alors que la péri était encore active. Mon bébé a été sorti de son cocon tout chaud et jeté dans des vêtements en moins d’une heure. On nous a bâclé notre tétée de bienvenue (j’entends encore la sage femme qui m’a accouchée dire à celle qui allait s’occuper de moi en chambre que « Oui, Oui, il a bien tété ». Comment le sait-elle, elle n’a rien contrôlé et je ne suis même pas sûre qu’il soit resté à mon sein plus de cinq minutes…)

Une fois revenus dans la chambre, tout le monde s’est endormi. PapaDeOuistiti s’est fait viré à 5h du matin… Et lorsque je me suis réveillée, quelques heures plus tard, c’est une vague de mélancolie qui s’est emparée de moi.

J’avais mon bébé endormi dans son berceau à côté de moi, mais je n’avais aucune sensation corporelle de son arrivée. Comme si une cigogne l’avait déposé là, avant de repartir aussi discrètement qu’elle n’était arrivée.

Je nous ai mis en peau à peau à son réveil, après l’avoir changé. Mais ce n’était pas pareil

Je le trouvais mignon, il m’attendrissait mais je ne sentais pas ce lien, certes invisible, mais si puissant que j’avais ressenti à la seconde où j’ai vu Ouistiti à sa naissance.

En plus, OuistiTwo est beaucoup plus « indépendant » que son frère : il ne s’endort pas au sein, mais dans son lit. Quand son reflux s’est déclaré, il s’apaisait plus rapidement avec son Papa.

Je me suis sentie rejetée par mon bébé, et Je l’ai très mal vécu.

Trois mois ont passé depuis mon accouchement, et le lien s’est créé petit à petit : il ne s’endort pas au sein, mais il me sert très fort les doigts pendant la tétée. On se raconte plein de choses pendant nos journées en tête à tête, depuis qu’il gazouille. Ses éclats de rire, pendant que je le change, m’envahissent à chaque fois d’une vague de chaleur.

Je pense que je suis en train de me débarrasser de cette mélancolie, mais j’ai pris la décision de retourner voir la psychologue que j’avais vue pendant ma grossesse.

Après avoir parlé du déroulement de mon accouchement à ma consultante en lactation, ma sage femme et dernièrement à ma gynéco qui ont toutes été unanimes sur le fait que ça n’aurait pas dû se passer comme ça, j’ai aussi décidé d’écrire au chef de ma maternité.

Je ne me fais pas trop d’illusion sur la réponse, si j’en reçois une, qui me sera donnée et je sais que ça ne changera pas la façon dont s’est passé mon accouchement.

Mais comme écrire ce billet m’a permis d’ôter un poids, je me dis que ça balaiera le reste de spleen qu’il me reste dans le coeur.

accouchement

16 Commentaires

  1. Même frustration pour mon accouchement, des professionnels à l’ouest, je te raconterais ce moment où on m’a emmené en salle d’accouchement quand j’ai eu le malheur de dire que je voulais aller aux toilettes … Me voilà parti en salle de naissance avec une folle qui me hurle que je ne sais pas ce que je dis que toutes les primis pensent qu’elles ont envie d’aller aux wc … J’ai tranquillement fait mes besoins les jambes en l’air puis je lui ai demandé si c’était féminin ou masculin … On m a emmené dans ma chambre 3 min après … Car oui je n’étais pas en train d’accoucher mais juste de faire polo …. J’ai accouché 24H après …par césarienne. Hyper frustrée comme toi j’ai eu le sentiment qu’on avait posé un bébé pas du tout le sentiment d’avoir mis au monde .. C’est très frustrant. J ai mis 6 mois à sortir de cet état.Courage ma belle

    • Ah bah moi j’ai demandé à sortir du bain car l’eau qui coulait m’avait donné envie de faire pipi. Là dessus au moins j’ai été écoutée.
      C’est dingue ces personnes qui croient mieux savoir que nous alors que c’est notre corps.
      La césarienne s’est décidée le lendemain car le travail n’avait pas avancé ?

  2. Je peux comprendre ce que tu ressens, avec une césarienne, on a parfois l’impression de ne pas avoir donné la vie.
    Tu fais bien d’écrire au chef de la maternité, au moins, même si tu as peu d’espoir, tu laisses une trace de ce qui s’est passé.
    Des bisous tout doux pour toi et tes petits choupinous.

    • Je n’ai pas accouché par césarienne mais par voie basse. Mais Oui c’est exactement ça, j’ai l’impression de ne pas avoir donné la vie 🙁

  3. J’ai été ultra frustrée par la césarienne que j’ai eue pour SweetPrincess. Je suis passée en quelques minutes de « enceinte » à « maman d’un bébé là à côté ». C’était assez surréaliste… L’accouchement par voie basse de LittlePirate a « rattrapé » ça et pourtant une fois la péri posée, zéro sensation. Et je l’ai à peine eu sur moi. Et pourtant ça reste mon accouchement préféré. Bref, tu as bien fait de poser ça là. Pour digérer…

  4. J’ai envie de pleurer!!! félicitation pour ce billet! quel courage de raconter cela! moi je ne l’ai pas encore. je me suis souvent dit « je n’ai pas l’impression que c’est ma fille. je l’aime, mais je ne ressens pas ce lien que tout le monde décrit ». Je pense que c’est parce que je sentais les contractions pour pousser correctement mais je ne l’ai pas sentie sortir. je pense que cela vient de là. merci pour ton témoignage? on se sent moins seule

  5. Tu as eu raison d’écrire ce billet et d’écrire au chef de pôle de la maternité.
    Décidément tout n’est pas si rose avec la péridurale…

    J’ai eu une brèche car l’anesthésiste m’a piqué un nombre incalculable de fois, et je n’ai jamais autant souffert de ma vie et pourtant je suis très résistante à la douleur.

    Heureusement après deux blood patchs tout est rentré dans l’ordre, j’ai pu avoir mon bébé à mes côtés quand je suis retournée à l’hôpital, mais j’ai eu l’impression qu’on me volait ces premiers jours avec lui.

    J’en veux à cette anesthésiste, j’en ai parlé hier à mon gynécologue qui s »avère être le chef de pôle et qui m’a dit que j’avais raison de faire un courrier.

    En tout cas c’est très bien que tu puisses en parler avec ta psy également.

    Si cela ne te dérange pas, je mettrai un lien vers ton article quand je rédigerai le mien sur cette fameuse brèche.

    • J’avais suivi ton hospitalisation à cause de la brèche sur IG et j’avais eu beaucoup de peine car c’est une épreuve aussi rapidement après le retour à la maison.
      L’anesthésiste m’a piqué à deux reprises, en me faisant le reproche que j’étais très scoliosée (c’est vrai que j’ai choisi toute seule de l’être par pure coquetterie…). Il y est allé tellement fort que j’ai senti le passage de l’aiguille les deux fois et j’ai pensé à la brèche.
      Quand au surdosage, je suis persuadée (et c’est d’ailleurs ce que j’ai dit dans mon courrier) qu’il n’avait aucunement envie de revenir une troisième fois pendant sa garde de nuit et qu’il a chargé la dose pour ça…
      Il etait sympa au premier abord, bien plus que l’anesthésiste de mon premier accouchement… Mais elle, alors qu’elle m’a aussi piqué deux fois ne m’avait pas fait mal et l’avait correctement dosée…
      Avec plaisir pour le lien (je suis très touchée)

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